SERRY de père en fils

 
 
 
 
 
 

Assurément, Internet aura bouleversé les recherches généalogiques. En quelques clics, sans bouger de son fauteuil, on peut voyager . travers l'espace et le temps, suivre un individu . travers le monde entier, voire même en savoir bien plus sur lui que sa propre famille restée en France.


Le cousin d'Amérique n'est plus une légende. Il devient bien plus qu'un nom. On peut marcher sur ses pas, voir ce qu'il a vu, voire partager ses espérances.


LE REVE AMERICAIN

Bien sûr, il est impossible de savoir, un siècle après, ce qui a poussé Jules Fortuné Pierre SERRY . quitter la France pour tenter de devenir américain. En matière d'intentions et de sentiments d'une tierce personne, tout n'est que conjectures et supputations. Mais on peut toujours essayer de se mettre . sa place et qui sait, nos gènes communs nous procurerons peut-être les mêmes sentiments, les mêmes impressions...

Commençons notre voyage par une banale carte postale d'une village perdu de la campagne boulonnaise.

La scène est classique. L'imprimeur a passé commande de quelques clichés destinés à immortaliser chaque bourgade du pays. Mais on a vite fait le tour de Belle-et-Houllefort, deux cents habitants à peine, quand on a pris un panorama et quelques vues de l'église. Le photographe vient de déjeuner et s'apprête à retourner en ville. Il lui reste encore de quoi prendre un dernier cliché. D'ailleurs, autant le prendre puisque toutes ses préparations seront inutilisables le lendemain. Il demande donc au couple d'aubergistes de prendre la pause devant leur établissement, l’HOTEL DE LA GARE dont les propriétaires sont mentionnés sur l’enseigne : SERRY-LHOMME.

Cette carte postale présente donc l’établissement de François Noël SERRY, père de Léon Jules Noël SERRY et grand-père de Léon Emile Fortuné SERRY.




Aucun rapport avec Jules SERRY et l'Amérique ? Que nenni ! L’oeil habile saura détecter sur cette carte le passé et l'avenir de ce cousin d'Outre-Atlantique.


Habituellement, les cartes postales servent peu la généalogie. Tout au plus permettent-elle d'avoir une vision d'ensemble d'un lieu. Difficile d'identifier les bâtiments ou les figurants. Difficile aussi de dater précisément la prise de vue. Il y a bien le cachet postal mais la carte peut avoir été postée bien après la prise de vue. Par chance, ici, on peut facilement répondre à deux de ces questions.


Quel est ce bâtiment ? La légende de la carte nous indique que nous sommes à Belle-et-Houllefort et il suffit de lire les inscriptions peintes sur la façade pour savoir qu'il s'agit de l'Hôtel de la gare, appartenant ou ayant appartenu (si les peintures n'ont pas été refaites depuis longtemps) à la famille SERRY-LHOMME. La lecture des recensements et tables décennales disponibles sur le site des AD62 nous permet de déterminer encore plus précisément la personne désignée par cette inscription comme étant  François-Noël SERRY né le  23 décembre 1821 à Belle-et-Houllefort, marchand de liquide en gros et hôtelier, veuf en premières noces de Marie Marguerite Angélique BRACHET et époux en secondes noces de Joséphine Pauline LHOMME.

Autrement dit, cette auberge a appartenu à l'arrière-grand-père de Jules.


(François-)Noël SERRY disparaît des recensements de Belle-et-Houllefort en 1891 mais son décès

n'apparait pas sur les tables décennales du lieu. En datant la prise de vue, on aura confirmation qu'il ne peut pas être l'aubergiste photographié ce jour là. Comment faire ? Le cachet postal est illisible. Les véhicules hippomobiles et les tenues vestimentaires ne permettent pas de fixer une décennie. Reste la dernière inscription qui n'a pas encore été étudiée : l'affiche publicitaire en anglais. Même aujourd'hui, il doit y avoir peu de publicité intégralement rédigées en anglais dans le Pas-de-calais, même si les côtes britanniques ne sont qu'à quelques dizaines de kilomètres. En outre, c'est une affiche de belle taille et pas un simple encart.


Quelle entreprise de l'époque pouvait se permettre une telle affiche, surtout dans un tel patelin ?


Fort heureusement, elle est rédigée en gros caractères et nous pouvons lire « A CONGRESS OF ROUGH RIDERS ». Bon sang mais c'est bien sur ! C'était la troupe de Buffalo Bill ! Suis-je la proie d'hallucination ?




Vérification faite, la tournée de Buffalo Bill est bien passée à Boulogne-sur-mer le 27 juin 1905.

http://ffava.free.fr/artbufbill.pdf

http://books.google.fr/books?id=J9iB7ftjaY...p;q&f=false


Nous connaissons tous William Cody, ce vétéran de la conquête de l'Ouest qui deviendra promoteur de spectacles où il diffusera une image idéalisée du Far West, ses cow-boys et ses indiens. Les français ont pu suivre ses exploits dans les journaux. En 1889, il était déjà l’invité d’honneur de l’Exposition Universelle. En 1905, sa caravane visitera 115 villes dans ce qui sera sa dernière tournée en Europe. Et quelle caravane !

Trois trains spéciaux sont nécessaires pour transporter le matériel, les animaux, le personnel technique et les artistes, 800 hommes dont 100 Peaux Rouges, 500 chevaux. Un vélum de 125m de long sur 40 de large, 24000 places dans les gradins...

De quoi frapper les imaginations...


Bref, la prise de vue date de juin ou juillet 1905. Nous y trouvons conjointement, d'une part, l'hôtel des

ancêtres SERRY et, d'autre part, la promotion de l'image idéalisée de l'Amérique.

Jules a-t-il assisté au spectacle, du haut de ses six ans ? Peut-être ou peut-être pas mais assurément, il a

du en entendre parler par des parents ou des voisins qui ont pu le voir. De là à penser que ces souvenirs d'enfance l'ont, par la suite, poussé à une vie aventureuse (guerre, exil, voyages, vie de marin), il n'y a qu'un pas.


L'ENFANCE DANS LE PAS-DE-CALAIS

A la charnière des dix-neuvième et vingtième siècles, Desvres est une grosse bourgade du Pas-de-Calais, un peu moins de 5000 habitants qui prospèrent notamment grâce à la céramique et la cimenterie.

Jules Louis Maurice SERRY (Jules le père) et Marie Célénie ESTIENNE s'y sont mariés le 14 mai 1898.

Jules Fortuné Pierre SERRY (Jules le fils), l'ainé de leurs enfants, naît le 22 février 1899 à Desvres.

Sa prime enfance tourne autour de la Place.




A droite au premier plan, le magasin de nouveautés de ses parents (avec le perron). Au fond, la bâtisse

blanche, c'est l'hôtel de sa grand-mère paternelle, Sophie Louise VINCENT, et le commerce de vins et

spiritueux de son oncle Fortuné (Léon Emile Fortuné SERRY pour l'état-civil) . Le commerce des grands-parents maternels est sur le trottoir d'en face, hors champ du cliché.


Les registres d'état-civil ne sont pas encore disponibles en ligne, mais on peut reconstituer la fratrie en

recoupant la fiche militaire de Jules le père, les recensements et les tables décennales fournies par le site des AD62. Notons que, durant tout la période qui court de 1870 à 1911, les seuls foyers dénommés SERRY qui semblent avoir résidé à DESVRES sont les couples SERRY-VINCENT (donc les grands-parents de Jules), SERRY-ESTIENNE (ses parents) et SERRY-DUCARNOY (son oncle et sa tante). Toutes les naissances figurant sur les tables décennales doivent donc en principe s'y rattacher.





Le 2 mai 1910, Jules le père et, a priori, sa petite famille emménagent à WIMEREUX, à une trentaine de

kilomètres de DESVRES. WIMEREUX est une de ces stations balnéaires qui ont fleuri à la Belle Epoque. Détachée de WIMILLE, accédant officiellement au statut de commune en 1899, la ville a

pris le nom du fleuve qui s'y jette dans la Manche. Dotée d'une gare è.s 1867, WIMEREUX attire les familles aisées parisiennes et lilloises mais aussi anglaises, belges ou russes. En cette fin de Belle Epoque, la commune compte compte 50 hôtels ou pensions de famille et 800 villas.

Jules le père devait être attiré par les perspectives commerciales de ce lieu à la mode et s'y installe en tant que loueur de voitures. Cette activité ne semblait pas encore répandue dans la ville puisqu'en 1903, il n'y avait qu'un seul loueur référencé dans le Guide de Wimereux.











Mais la lecture du recensement de 1911 (Wimereux p 12/29) nous apprend que d'autres raisons ont du le pousser à quitter sa commune natale puisqu'il a changé d'épouse. Il est à présent le mari de Germaine (DORMARD), née en 1892 à Wimille (Wimereux n'ayant été détachée de Wimille qu'en 1899). Ils se sont donc probablement marié en 1910 (date d'arrivée de Jules à Wimereux) . Sous réserve de vérification des actes d'état-civil (mais on aura déjà une idée en vérifiant les recensement précédents), Germaine est la fille d'Augustine DORMARD (mentionnée juste après notre couple sur le recensement de 1911), propriétaire de l'Hotel Beau Rivage, quai de Wimille, à WIMEREUX, face à l'église, dont il est séparé par le Wimereux (le fleuve côtier) et sommes toutes, l'hôtel le plus éloigné du rivage à Wimereux.




Voici au premier plan le commerce de location de voiture des époux SERRY-DORMARD à Wimereux. C’est probablement là que Germaine SERRY-FABARON a vu le jour.

Nous savions déjà, grâce au recensement de 1911 que ce couple habitait quai de Wimille et que Germaine DORMARD était probablement la fille d'Alphonsine DORMARD, hôtelière citée juste après eux sur le recensement (en tous cas, si elle est bien née en 1892, elle s'intègre entre les autres enfants d'Alphonsine cités sur le recensement de 1911, avec elle)


Tout ceci se retrouve sur le cliché ci-dessus. Vu le plan de la ville en 1903, il s'agit bien d'une vue du quai de Wimille.








Autrement dit, le fils de l'hôtelière de DESVRES, petit-fils d'un aubergiste-grossiste en vins et alcools à

BELLE-ET-HOULLEFORT, a épousé la fille d'une hôtelière de WIMEREUX. On reste entre gens du même milieu.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5801296t/f2.image

http://insitu.revues.org/4031

http://www.ville-wimereux.fr/histoire/index.html


Mais quid de Marie Célénie ESTIENNE, la mère du petit Jules ? Malheureusement, elle est probablement décédée entre temps. Les divorces étaient encore rares à l'époque et même en cas de divorce, il serait surprenant que le père ait obtenu la résidence habituelle des enfants. Tout cela restera à vérifier avec les actes ou même les TD.



Recensement 1911








Ce recensement de Wimille permet toutefois d'identifier une partie de la fratrie, les dates de naissance

exactes se retrouvant sur les TD de DESVRES :

→ SERRY Jules Fortuné Pierre (le fils)  né le 22/02/1899 à Desvres

→ SERRY Marie Rose Aimée Louisa née le 28/11/1901 à Desvres

→ SERRY Louisa Marthe Augustine née le 24/12/1902 à Desvres

→ SERRY Marguerite Marie Louise née le 11/09/1907 à Desvres


A ces quatre premiers enfants, il faut très probablement ajouter les deux qui habitaient chez leur grand-mère paternelle, Sophie Louise VINCENT, selon le recensement de DESVRES en 1911

→ SERRY Thérèse Jeanne Marie née le 04/04/1908 à Desvres

→ SERRY Louis Henri Maurice né le 27/08/1900 à Desvres

Comme précédemment indiqué, Jules le père n'avait qu'un seul frère. Or, Louis était trop vieux pour être le fils d'Eugènie DUCARNOY et Fortuné SERRY et Thérèse ne peut pas être née la même année et avoir la même mère qu'Edouard.




Il faudra enfin y ajouter Germaine, enfant née du second lit en avril 1911.

La petite Germaine épousera bien plus tard Robert Louis FAVARON (1897-1956), fils de Jean-Louis

FAVARON qui était compagnon d'EIFFEL, Compagnon du Devoir, Franc-Maçon, entrepreneur, ami d'enfance de FOCH et créateur des premières COOP devenue ensuite des SCOP....




L'ADOLESCENCE PRES DE PARIS

Par la suite, selon la fiche militaire de Jules (le père), la famille est allée vivre 6 rue du Progrès  (actuelle Rue Maurice-Denis) à Champigny sur Marne où elle réside le 17 mars 1914.




L'activité de loueur de voitures à WIMEREUX fut-elle un échec ? Qu'est-ce qui a poussé la famille à

rejoindre le pays des guinguettes ? Quelle y était la profession de Jules le père ? La grand-mère est-elle

décédée ou a-t-elle vendu son hôtel desvrois ?


En toutes hypothèses, Jules le père et sa famille retrouvera celle de Fortuné, qui emménagera à la même adresse. Les SERRY ne sont pas les seuls à arriver en ville en 1914. Ce modeste village aux portes de Paris est en train de devenir une ville. 2000 campinois sous le second empire, 10.000 en 1911, ils seront le double en 1926 et bien plus encore ensuite...


Champigny, ancien camp romain, ancien château-fort.

Champigny, siège de la kommandantur prussienne et terrain de multiples combats pendant la guerre de 1870. Les monuments commémoratifs jalonnent la ville et ravivent sans cesse les tensions franco-allemandes tant et si bien qu'on l'appelle encore souvent Champigny-la-Bataille : monument commémoratif de la bataille et son ossuaire, stèle dédiée aux mobiles de la Côte d'Or, monument des Wurtembergeois...

Sans oublier le Fort de Champigny (ainsi nommé bien qu'il se situe sur la commune voisine de

Chennevières-sur-Marne, juste «pour tromper l'ennemi»), construit  entre 1878 et 1880, censé protéger

Paris contre une nouvelle invasion et obsolète sitôt bâti, à cause de l'apparition des obus explosifs . En 1911, il est rénové et ne compte plus qu'une dizaine de pièces d'artillerie sur les remparts et autant dans les caponnières.







Mais le Champigny d'avant-guerre ce sont aussi les bords de Marne, son chapelet d'iles aux noms imagés (l’île de l’Abreuvoir, l’île des Gords, l’île de Pissevinaigre, l’île du Martin-Pécheur, l’île des Loups, l’île des Moulins, l’île d’Amour…) les guinguettes, les dimanches à la campagne, les impressionnistes (Pisarro, Caillebotte, Monet entre autres), moults maraîchers et encore quelques vignes et leur piccolo .






Malheureusement, quels qu'aient été leurs espoirs en s'installant dans les boucles de la Marne, les SERRY sont poursuivis par la malchance. A peine sont-ils installés que la première guerre mondiale éclate.

Fortuné est mobilisé, Jules le père est dispensé étant père d'au moins six enfants.

Dès septembre 1914, c'est la fameuse bataille de la Marne (et ses taxis), à quelques dizaines de kilomètres de Champigny. Autant dire à portée de canon. Equipé d'une coupole d'artillerie "Mougin", le fort jouera son rôle, en bombardant une avant-garde allemande. Les SERRY ont vécu ces tirs en direct, en pensant probablement à Fortuné qui sert lui-même dans l'artillerie.


1916 : Champigny est sous la Marne




Le sort s'acharne. Jules (le père) décède le 17 juillet 1917

Comble de l'ironie, ce n'est pas celui qui luttait sur le front qui est mort le premier mais celui que la Loi

croyait avoir épargné. Fortuné survivra à la guerre mais semble avoir perdu la tête. A cause des horreurs des combats et/ou à cause de la perte de ce frère ainé dont il était si proche?




La mort de Jules le père laisse une situation objectivement critique.

On est en pleine guerre.

Germaine SERRY-DORMARD, vingt cinq ans à peine, se retrouve seule, avec quatre ou six enfants d'un premier lit, dont Jules, l'ainé, qui a presque son âge (sept ans d'écart), sans oublier sa propre fille en bas âge.

Quant à Jules, dix-huit ans, il doit bientôt être appelé sous les armes et bout certainement d'en découdre.

Etant le fils ainé, l'homme de la maison, il doit subir une pression supplémentaire.

En attendant des temps meilleurs, les SERRY participaient-il à cette kermesse du 12 août 1917 ? Sa famille peut-être, mais pas Jules qui était déjà en route pour l'Amérique




LA PREMIERE TRAVERSEE DE L'ATLANTIQUE


Seule sa fiche de transit de 1919 (lorsqu'il rejoindra définitivement les Etats-Unis) permet, pour l'heure, de nous renseigner. Malheureusement, sur la copie diffus.e sur internet, le papier a absorbé l'encre et les lettres sont écrasées, rendant leur lecture plus difficile. Il est apparemment écrit « …port and date of landing and name of steamship"




Il semble donc que Jules SERRY a touché pour la première fois le sol américain à la Nouvelle Orléans, le 26 aout 1917 alors qu'il transitait vers le Canada. A priori, il était à bord du GEORGIE ou du GEORGIA, voire du GEORGIC.


Malheureusement, c'est un nom fréquent et il reste encore à s'assurer du nom du navire sur lequel il est arrivé. La chose n'est pas si aisée tant qu'on ne trouve pas de « shipping list »  des navires ayant

atteint cette destination en aout 1917. En outre, vu que cette fiche est inexacte sur le lieu de naissance de Jules, ne peut-on pas envisager d'autres erreurs ?


Hypothèse la plus simple : il aurait navigué sur le cargo français GEORGIE, de la Compagnie Générale

Transatlantique . http://www.frenchlines.com/ship_fr_185.php

Reste à savoir où était ce bateau en aout 1917.

On sait qu'en 1919, il a été cédé à la Compagnie Transatlantique Canadienne et qu'il était affecté à la ligne Bordeaux-Canada. D'ailleurs, il s'échouera dans le Saint-Laurent en 1920.

Se trouvait-il déjà sur cette ligne en aout 1917 ? Assurément, il circulait puisqu'il a subi des attaques de

sous-marins, les 4 mai et 23 juillet 1917. Mais où ?

Une traversée franco-canadienne imposait-elle de transiter par la Nouvelle-Orléans ?





Hypothèse moins probable : une traversée sur le GEORGIC de la White Star.

Mais je ne pense pas qu'il desservait la France. http://trove.nla.gov.au/ndp/del/article/15718737

Difficile de reconstituer la navigation à l'époque. On est en pleine guerre. Je ne trouve pas de liste de

passagers, ni même d'article de presse faisant état des croisières en cours. Cela aurait facilité le travail des généalogistes futurs mais aussi des ennemis de l'époque et les U-boote faisaient déjà suffisamment de dégâts.


Ce qui nous amène à une autre piste (mais qui suggérerait que la fiche de 1919 soit erronée) : le

CAROLINE. C'est un autre cargo français de la Compagnie Générale Transatlantique. Lui, on sait

assurément qu'il était utilisé sur les lignes de l'Atlantique Nord et du Golfe du Mexique (il est d'ailleurs chargé du service du courrier entre la France et Québec) et qu'il se trouvait . la Nouvelle-Orléans lors de la seconde quinzaine d'aout 1917.

http://www.frenchlines.com/ship_fr_86.php




Deuxième d'une série de trois navires conçus pour le transport des émigrants, il peut prendre 120 passagers en 2e classe et 565 en 3e classe. Lors de la déclaration de guerre en 1914, il se trouvait à Montréal et chargeait, entre autre cargaison, du blé. Il reviendra à Nantes en Septembre 1914 avec 800 Canadiens français qui venaient pour se battre en France.

On sait qu'en août 1917, il effectuait la traversée Bordeaux - La Nouvelle Orléans. Mais est-ce lui qui est arrivé le 26 ? Quoiqu'il en soit, sa traversée s'est faite non sans mal, puisque le CAROLINE a du repousser l'attaque d'un sous-marin allemand le 18.

L'attaque est retranscrite en détail sur http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviation-marine/marine-1914-1918/caroline-compagnie-transatlantique-sujet_278_1.htm

Rapport du capitaine

« Le 18 Août à 06h10, par 45°50 N et 09°59 W, aperçu à un quart tribord un vapeur semblant faire route au sud. Changé de route et venu deux quarts tribord pour passer au large. A 06h25, le navire est bien visible. Il porte des marques sur la coque et marche très lentement. A 06h40, j’identifie un vapeur de charge portant les couleurs norvégiennes, avec trois mâts et cheminée à l’arrière, sans antenne TSF.

Voici sa silhouette (...)

Je ne vois pas ses canots sous les bossoirs et comprends qu’il est stoppé. De la fumée s’échappe de la

claire-voie arrière. Venu d’un quart vers le nord, appelé aux postes de combat et gouverné en embardant sans cesse. Mis la machine à allure maximum.

A 06h50, aperçu le périscope peint en vert d’un sous-marin et, aussitôt, le sillage d’une torpille qui longe le navire à 50 m sur bâbord et passe sur l’avant. Ouvert le feu et tiré trois coups sur le périscope du sous-marin qui se déplace rapidement dans le sillage comme s’il voulait passer sur tribord.

1er coup trop long, 2e coup à gauche, 3e coup éclate sur le périscope ou tout près et une fumée noire se dégage. Le périscope disparaît. Venu sur tribord pour présenter l’arrière. Le sous-marin ayant disparu, cessé le feu.

A 09h50, repris la route normale à l’ouest et fait rompre le poste de combat. Pendant la dernière heure, la fumée augmente sur le norvégien qui prend de la gite. Il avait du être arraisonné, puis incendié. Pavillon national hissé et signaux TSF réglementaires effectués. L’équipage a fait preuve d’une belle tenue, s’est rendu rapidement aux postes de combat et a conservé un ordre parfait et un silence complet.

Je signale Monsieur Barth, officier de tir et le quartier maître Le Bris, pointeur de la pièce arrière. Monsieur Barth a fait preuve de méthode et de sang froid et a dirigé un tir raisonné et efficace sur le périscope. Le 3e obus ayant éclaté sur le périscope ou dans son voisinage a obligé le sous-marin, s’il ne l’a pas endommagé, à abandonner la chasse et à plonger. »


L'ENGAGEMENT POUR LE CANADA


La première guerre mondiale aura joué un rôle politique majeur pour le Canada, tant au niveau extérieur qu'intérieur.

Rappelons que le Canada est un dominion britannique. A ce titre, il se doit de participer aux mêmes conflits que la Couronne, notamment les guerres impériales telles que la Guerre des Boers. Mais il appartient aux canadiens de prouver qu'ils ne sont pas qu'une simple colonie (par exemple, La Marine Canadienne ne remonte qu'à 1908) et que le Canada doit être considéré comme l'égal de la Grande-Bretagne. Pour les dirigeants canadiens, impérialistes et anglophones, Robert Borden en tête, le Canada doit envoyer un maximum de troupes pour soigner son image de marque.


En 1914, le Canada envoie un premier contingent de 31 000 hommes. Cette première division sera placée sous commandement britannique. Par la suite, trois autres divisions s'y ajouteront et formeront ensemble le Corps Expéditionnaire, lequel sera enfin commandé par un canadien en 1917. Une cinquième division est formée en Angleterre, mais, en raison des difficultés de renfort escomptées, seuls son groupe d'artillerie divisionnaire et certaines unités spéciales sont envoyés sur le théâtre des opérations. Des 630 000 Canadiens qui s'enrôlèrent dans l'armée, un total de 424 000 rejoignirent le front en Europe. Sur place, on atteint une force 100 000 hommes au début de 1917.


Toutefois, durant ces premières années du conflit, le recrutement ne se fait que par engagement volontaire. Les premiers effectifs comptent nombre de natifs de Grande-Bretagne. En 1917, la faiblesse de ce mode de recrutement se fait cruellement ressentir. Bien entendu, il faut faire face aux pertes (Le Canada a perdu 60 661 hommes au cours de la guerre, en ne comptant que les morts).  Le Canada doit aussi subir la comparaison avec l'Australie qui envoie plus de troupes bien qu'elle soit moins peuplée. Et si les Etats-Unis s'engagent enfin officiellement dans la guerre en avril 1917 (accessoirement, il ne faudra plus compter sur l'engagement volontaire de citoyens américains dans l'armée canadienne), il faudra bientôt faire face à la défection du front russe qui est en pleine révolution (ce qui permettra le rapatriement des soldats allemands sur le front de l'ouest).


       


L'adoption de la Loi du Service militaire qui introduit la conscription ne se fera pas sans mal. Elle subit

l'opposition des fermiers, des chefs syndicaux, des pacifistes et surtout des leaders francophones. Le pays obtiendra son indépendance totale après-guerre mais sortira profondément divisé de cette crise, le parti conservateur perd son influence au Québec et dans l'ouest.

http://www.histori.ca/peace/page.do?pageID=284

http://www.musee-mccord.qc.ca/scripts/printtour.php?tourID=grande_guerre&Lang=2



  


Dans ce contexte, nous avons, d'un côté, le Canada qui est toujours avide de nouvelles recrues et, de

l'autre, Jules SERRY, orphelin, qui souhaite probablement devancer l'appel.


Le 26 août 1917, il arrive à La Nouvelle-Orléans et rejoint ensuite le Canada (voir fiche de transit en 1919, notant ce premier passage aux Etats-Unis). Est-il seul ou avec le reste de la famille ?


Le 2 janvier 1918, bien qu'habitant Champigny-sur-Marne et natif de Desvres, de nationalité française, Jules SERRY s'engage dans l'armée canadienne.


Aura-t-il eu le temps de combattre avant l'armistice ?



LE DEPART POUR LES ETATS-UNIS

http://search.ancestry.ca/cgi-bin/sse.dll?gl=40&rank=1&new=1&so=3&MSAV=0&msT=1&gss=ms_r_f-

40&gsfn=jules&gsln=serry&sbo=1&uidh=2w3


Après la guerre, visiblement, Jules SERRY n'est pas revenu à Champigny. Soit son unité n'avait pas eu le temps de rejoindre le front en France, soit il a été rapatrié avec le reste du contingent canadien.

Il a ensuite rallié les USA via Rouse Point en 1919.

On peut être certain que c'est bien la fiche concernant notre Jules (malgré l'inexactitude sur le lieu de

naissance indiqué) car c'est bien la date d'arrivée aux Etats-Unis mentionnée dans le dossier de

naturalisation.




Assurément, en 1919, il traverse la frontière seul.




Malheureusement, ce qui est indiqué en marge des mentions obligatoires est difficilement lisible, même en zoomant sur le document original.

Jules SERRY fait ensuite une demande de naturalisation en 1930.

On y apprend qu'il est toujours célibataire et sans enfant et il travaille dans la marine marchande.












L'adresse qui figure sur le dossier, le 25 south street, n'est guère significative puisque ce doit être une boite postale pour les marins de la marine marchande.

C'est en fait le siège du Seamen's Church Institute of New York.


  


Qu'est ensuite devenu Jules SERRY, ce cousin d'Amérique ?

Apparemment, il n'apparait pas dans le recensement de 1940. Mais les marins ont leur propre recensement.

A-t-il obtenu sa naturalisation ? Est-il reparti au Canada ou en France ?


Christophe CANIVET

30 décembre 2012

 

1898 : les Jules SERRY

lundi 31 décembre 2012

 
 
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